La Lune, si proche et si empreinte de mystères.
Seul et unique satellite naturel de la Terre, astre gouvernant ce pauvre petit Cancer, écrabouillé par Hercule durant son combat contre l’Hydre de Lerne.
Au-delà de son symbolisme des rêves et secrets, la Lune est aussi affublée de légendes urbaines plus ou moins ancrées dans la conscience collective.
Voici ce qui se cache par-delà le voile lunaire.
Légende #1 – Il y a davantage de naissances les nuits de pleine lune
Aucune étude n’est parvenue à démontrer ce “ressenti”.
Certains pourraient penser à l’influence de la gravitation (et des forces de marée en particulier) sur la physiologie d’une mise bas. Toutefois, les formules apprises au collège ne soutiennent pas cette légende.
La Lune exerce une force de quelques mN sur un humain, soit approximativement la force gravitationnelle qu’exercerait 3 avions situés à 50 cm de vous (alors, oui, il faudrait bien les compacter, mais on voit l’idée). Autre ordre de grandeur, la Terre exerce une force 300 000 fois plus importante sur vous…
Légende #2 – La Lune décolore les vêtements qui sèchent dehors la nuit
La Lune ne fait que refléter la lumière du soleil, à hauteur de 0,25 lux, soit 3000 fois moins de lumière qu’au crépuscule. Quant aux UV (qui sont encore plus bas en longueur d’onde), il y a en a environ 1 million de fois moins au clair de Lune qu’en pleine journée.
Attention, la décoloration nocturne existe bien, mais elle résulte de la réaction thermochimique entre la fraîcheur (et l’humidité) de la nuit et la composition du linge. Lune ou pas lune, ça se décolore bien.
Légende #3 – La Lune finira par s’écraser sur Terre
Eh bien, non. Le fait qu’un satellite se rapproche ou s’éloigne de son astre dépend essentiellement des vitesses de rotation de chaque corps. Ici, la Terre tourne beaucoup plus vite (24 heures) que la Lune (27 jours). Les forces de marée provoquent la déformation de la croûte terrestre (les “bourrelets”) et des océans. Ces bourrelets provoquent des variations directionnelles des forces gravitationnelles qui engendrent un échange d’énergie orbitale entre la Terre et la Lune : notre planète ralentit et son satellite accélère. Au bout du compte, la Lune s’éloigne à hauteur de 4 cm par an.
Il existe d’ailleurs une distance théorique à laquelle la Terre et la Lune seront en rotation synchrone (le jour aura la même durée sur les deux astres, comme pour Pluton et Charon), mais cette distance hypothétique ne serait atteinte que dans 50 milliards d’années, bien après la mort du Soleil et l’apocalypse qui en découlera.
Notons toutefois que, si la rotation lunaire avait été plus rapide que celle de la Terre, alors cette fois elle se serait rapprochée. C’est le cas par exemple de Phobos, l’un des satellites de Mars.
Cependant, pour tout satellite suffisamment gros (on ne parle pas d’astéroïdes), il existe une distance à partir de laquelle les forces de marée de l’astre adverse deviennent supérieures aux forces de gravitation du satellite sur lui-même (force de cohésion), provoquant l’inéluctable dislocation de ce dernier. Cette distance s’appelle la limite de Roche. Donc Phobos finira par éclater dans environ 40 millions d’années ; certains gravats retomberont sur Mars ou iront vraisemblablement former un anneau.
L’eau dans le lavabo (ou la cuvette des WC) ne tourne pas dans le même sens dans les hémisphères nord et sud
Pas de rapport avec la Lune (encore que certains pourraient le penser). Sur le papier, l’accélération d’un fluide intègre la rotation de la Terre, en particulier l’accélération de Coriolis qui équivaut simplement au double du produit de la vitesse du fluide par la rotation de la Terre (F = 2 x Masse x Vitesse x RotationTerre). La direction de cette force dépend de la position du fluide par rapport à l’axe de rotation de notre planète, et donc de l’hémisphère. Ainsi, cette force de Coriolis pointera vers l’est (hémisphère nord) ou vers l’ouest (hémisphère sud), provoquant cette différence dans l’écoulement en spirale des fluides (le “vortex”). On le voit notamment dans la forme des cyclones.
Toutefois, à l’échelle d’une cuvette ou d’un lavabo, l’imperfection industrielle du bassin, la moindre inclinaison malheureuse de celui-ci, la moindre vibration ou l’orientation du robinet l’emporteront sans problème sur la force de Coriolis. Donc rien à voir en pratique. Il suffirait d’ailleurs de faire le test en tirant la chasse d’eau chez l’ensemble de vos parents et amis, vous verrez que c’est aléatoire.
On peut survivre après avoir franchi l’horizon d’un trou noir… (Allô Interstellar ?)
Toujours sans rapport avec la Lune. Note : l’horizon des événements, c’est la distance où il faut atteindre la vitesse de la lumière pour espérer échapper au champ de gravitation d’un trou noir.
Eh bien là, c’est vrai. Avec une bonne combinaison spatiale et l’absence de frottements, un astronaute a d’autant plus de chances de survivre au franchissement de l’horizon que le trou noir est lourd. Décryptage.
Le diamètre de l’horizon est proportionnel à la masse du trou noir, contrairement aux forces de gravitation ou de marée qui sont respectivement proportionnelles à l’inverse du carré et du cube de cette distance.
- Rayon d’influence critique (rayon de Schwarzschild) = 2.G.M/c^2
- Gravitation = G.M.m/distance^2
- Marée ~ G.M.taille/distance^3
Ainsi, pour un trou noir léger (une dizaine de masses solaires), les forces de marée (étirement de votre corps, ressenti entre les pieds et la tête) provoquées à l’horizon sont 30 000 milliards supérieures à celles qu’exerce habituellement la Terre sur vous à sa surface (ce qui représente 150 000 fois votre poids). Vous finissez donc “écartelé” par les pieds (on trouve parfois le terme “spaghettifier”).
En revanche, pour un trou noir supermassif (un million de masses solaires), le rayon critique est 100 000 fois plus éloigné, ce qui est logique, car l’influence de l’astre augmente de manière proportionnelle. Mais les forces de gravitation (et surtout de marée) décroissent beaucoup plus vite. La vitesse de libération à l’horizon est toujours c (vitesse de la lumière), mais les forces de marée à une telle distance ne sont que d’une dizaine de mN, soit à peine 5 fois la gravité qu’exerce la Lune sur nous.
Il y a donc un découplage contre-intuitif entre la taille de l’horizon (l’influence) et le déchirement de la matière à l’horizon par les marées. Vous pouvez franchir l’horizon d’un monstrueux trou noir sans même vous en rendre compte (quand bien même votre accélération gravitationnelle représente près de deux millions de fois l’accélération de la pesanteur terrestre). En revanche, n’ayez crainte, vous finirez par vous rapprocher de la singularité, et bien assez vite, les forces de marée redeviendront insoutenables. On ne fait que différer l’échéance en deçà de l’horizon.